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Extras et surfacturation

Une des causes les plus courantes de différends dans la construction et la rénovation est sans nul doute les fameux extras et la surfacturation. Or, qu’en est-il ? Un entrepreneur peut-il exiger un prix supérieur au prix initialement convenu ? 

Une des causes les plus courantes de différends dans la construction et la rénovation est sans nul doute les fameux extras et la surfacturation. Or, qu’en est-il ? Un entrepreneur peut-il exiger un prix supérieur au prix initialement convenu ? 


Les extras

D’abord, il faut faire la différence entre un extra et de la surfacturation. Un extra, c’est lorsque des travaux s’ajoutent au devis initial. Comme ceux-ci n’étaient pas prévus dans le contrat, le prix n’en tenait évidemment pas compte. Ce sont donc des travaux « en extra » qui justifient un prix plus élevé. Néanmoins, comme ils ne font pas partie du contrat, il faut que le client ait l’occasion d’y consentir. Sauf en cas d’urgence (p. ex. le bâtiment va s’effondrer), un entrepreneur a tort lorsqu’il réalise des travaux supplémentaires sans en avertir le client pour lui arriver ensuite avec une facture supplémentaire. 

Moins courant dans le neuf, les extras sont très courants en rénovation et sont souvent causés 

  • soit par des éléments problématiques découverts en cours de route (p. ex. un problème de pourriture caché dans le mur qui force à remplacer des matériaux ou un élément porteur qui se retrouve là où on ne l’attendait pas), 
  • soit à cause des fameux « tant qu’à…». Ainsi, on réalise parfois, en cours de travaux, que tant qu’à avoir tout démoli, on pourrait en profiter pour… (et la liste s’allonge rapidement). Ces éléments justifient évidemment une augmentation du prix. Le problème réside souvent dans la communication entre l’entrepreneur et son client. Souvent, ils vont discuter des travaux, le client va exprimer un désir, puis l’entrepreneur va lui répondre « pas de problème ! », sans spécifier que cela coûte plus cher que ce qui était prévu au contrat. Pour le client, il était implicite que ça faisait partie des travaux, alors que pour l’entrepreneur, il était implicite que c’était un ajout. Un différend est né. 

Ainsi, plus la description des travaux (le devis) au contrat est précise, plus on réduit les risques de différend. Plus on prend de nouvelles décisions en cours de route, plus on les augmente. Ensuite, chacun serait bien avisé de toujours clarifier ce qui est compris ou pas dans le contrat lorsqu’ils discutent des travaux. Bien des différends seraient ainsi évités. 

La surfacturation

À l’inverse, on parle de surfacturation lorsque l’entrepreneur facture un montant plus élevé que convenu pour les travaux pourtant prévus au contrat. Dans ce cas, c’est le type de contrat (dont il sera question plus bas) qui vient déterminer ce qui est ou pas permis. 


Attention ! Cette page concerne des contrats de service. Si vous vivez une situation similaire, mais en contexte de transaction immobilière (contrat de vente), consultez notre page à ce sujet


Notions de droit des contrats

Obligations des parties

D’abord, quelques notions de base qui s’appliquent peu importe le type de contrat.

L’article 2102 CcQ prévoit que l’entrepreneur est tenu, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les circonstances le permettent, toute information utile relativement à la nature de la tâche qu’il s’engage à effectuer ainsi qu’aux biens et au temps nécessaires à cette fin.

Normalement, une fois qu'un contrat est conclu, les parties doivent le respecter (art. 1434 CcQ). Le contrat ne peut donc être modifié que lorsque les deux parties sont d’accord, lorsque le contrat contient une clause qui le prévoit ou selon la loi (art. 1439 et 1786 CcQ). De plus, l’entrepreneur est tenu d’agir au mieux des intérêts de son client (art. 2100 CcQ) et les parties d’un contrat doivent faire preuve de bonne foi (art. 6, 7, 1375 CcQ).

Types de contrat

D’abord, rappelons qu’un contrat conclu verbalement est bel et bien un contrat valide, à la nuance près qu’il est difficile de démontrer ce à quoi chacun s’est engagé. Différents types de contrats permettent de s’engager à différentes obligations, notamment en ce qui concerne le prix. Ainsi, afin de déterminer la légitimité d’un extra, il est essentiel de bien comprendre le type de contrat qui a été signé et ce qu’il implique. Il est important de noter que le type de contrat dont il s’agit n’est que rarement inscrit explicitement dans le document que vous signez. Néanmoins, il peut être déduit à partir de divers éléments tels que les clauses, la manière dont le prix est établi, etc. On regroupe généralement les contrats de construction dans les trois grandes catégories qui suivent. 

Contrat à forfait 

Parfois, le client tient à avoir un prix définitif (c’est souvent le cas dans un contrat public). Il cherchera à obtenir un contrat à forfait. Cette paix d’esprit a cependant un prix, car l’entrepreneur, qui assume l’entièreté du risque de dépassement de coût, va assurément exiger un prix supérieur pour un tel contrat. 

Néanmoins, dans un contrat à forfait, l’entrepreneur ne peut prétendre à une augmentation du coût des travaux par rapport à ce qui avait été prévu initialement, sauf si les parties en ont convenu autrement (art. 2109 CcQ). Le prix de l’ouvrage est fixé à l’avance dans le contrat et ne peut pas être modifié sans l’accord des deux parties.

En l’absence de clause de révision, l’entrepreneur n’a pas le droit de vous forcer à payer plus, même pour un imprévu, à moins d’un accord des deux parties.

Donc si, par exemple, les matériaux coûtent moins cher que prévu, le consommateur ne verra pas le prix diminuer. Inversement, si les travaux coûtent plus cher que prévu, l’entrepreneur ne pourra pas augmenter le prix et devra donc absorber la différence de prix. 

Ces contrats sont très rares dans la rénovation résidentielle, car peu d’entrepreneurs acceptent d’assumer un tel risque et peu de clients sont prêts à payer ce que ça vaut. 

Contrat avec estimation 

La plupart du temps, un contrat de rénovation est un contrat avec estimation du prix. Dans ce type de contrat, le prix est estimé et peut être augmenté, advenant des imprévus qui n’étaient pas prévisibles par l’entrepreneur au moment de la conclusion du contrat (art. 2107 CcQ). De nombreux litiges découlent justement de cette question : « Est-ce que l’entrepreneur pouvait et aurait dû prévoir que… ? » Il faut ici garder en tête que c’est l’entrepreneur qui a le fardeau de connaître son domaine. Par exemple, s’il est connu que le sol dans un secteur donné contient beaucoup de rochers et que cela ralenti l’excavation, un entrepreneur compétent devrait en tenir compte dans sa soumission et ne pas exiger d’augmentation du prix pour cela. Inversement, si dans un autre secteur le sol est réputé facile à excaver et que finalement ce n’est pas le cas, comment l’entrepreneur pouvait-il le prévoir ? Ce qui est ou pas prévisible peut donc être relatif. Le plus sûr demeure de faire des vérifications au préalable concernant les principaux risques, afin que l’entrepreneur ait en main les informations pertinentes pour élaborer une soumission réaliste et fiable. 

Autre exemple : Si vous faites refaire votre salle de bain et que l’entrepreneur s’aperçoit qu’une fuite d’eau présente depuis longtemps a fait pourrir des planches qui doivent être changées. À moins de signes visibles, il s’agit d’une situation qu’un entrepreneur ne pouvait raisonnablement pas prédire. Il pourrait donc légitimement augmenter le prix total des travaux après vous avoir informé de la situation. Cela dit, un client prévoyant aurait pu déjà, avant de demander des soumissions, ouvrir partiellement un mur et constater lui-même les planches pourries. Les différentes soumissions reçues en auraient alors tenu compte. 

Par contre, si vous faites refaire le revêtement de votre maison et que votre entrepreneur se rend compte, au milieu des travaux, qu’il avait mal calculé la quantité nécessaire de revêtement, il ne serait pas légitime de vous demander de payer la différence étant donné qu’il s’agit là de quelque chose qui était prévisible par un entrepreneur attentif et compétent.

Contrat à prix coûtant majoré (cost plus)

Dans certains cas, il y a trop d’inconnus pour que l’entrepreneur puisse fournir une estimation fiable. On optera alors pour un contrat à prix coûtant majoré (le contrat cost plus). Dans ce type de contrat, le client s’engage généralement à payer ce que ça va coûter à l’entrepreneur, en plus d’une marge pour ses frais administratifs et son profit. C’est souvent le cas lors de travaux sur un bâtiment ancien (où on ne sait jamais ce sur quoi on va tomber) ou encore lorsque le projet est encore imprécis ou sujet à évoluer en cours de route. 

Dans ce cas, comme il n’y a pas de prix convenu au départ et que le client s’engage précisément à payer ce que ça va coûter sans le savoir à l’avance, il est beaucoup plus difficile de contester le prix final. Néanmoins, les dispositions sur les représentations fausses ou trompeuses, par exemple, continuent de s’appliquer. Ainsi, advenant qu’un budget approximatif a été discuté au départ, que l’entrepreneur l’a jugé réaliste et l’a accepté, puis que, sans aucune raison sérieuse, il a été largement dépassé, on pourrait s’interroger sur les représentations de l’entrepreneur qui, au départ, vous a affirmé que le projet était réalisable dans ce budget approximatif.

Dans tous les cas, si un budget a été discuté au départ, sauf cas d’urgence, l’entrepreneur devrait en aviser son client avant de le dépasser et non pas le placer devant le fait accompli. Rappelons que l’entrepreneur est tenu d’agir au mieux des intérêts de son client (art. 2100 CcQ). 

De plus, cela ne libère pas de la garantie de qualité. Advenant que des travaux soient mal réalisés et que des correctifs doivent être apportés, cela ne devrait pas s’ajouter à la facture, puisque ce ne sont pas des travaux supplémentaires, mais la correction de malfaçons à laquelle un juge aurait tout à fait pu le contraindre. 

Par ailleurs, il semble que de plus en plus d’entrepreneurs exigent ce type de contrat pour des travaux où le degré d’incertitude ne le justifie pas. C’est une manière de reporter le risque de dépassement de coût sur les épaules du client. Ce n’est pas du tout rassurant sur la capacité de l’entrepreneur à respecter ses coûts et, à moins qu’il n’y ait pas assez de concurrence dans votre région pour être sélectif, c’est quelque chose que nous ne recommandons pas. Au minimum, cela devrait vous pousser à effectuer d’excellentes vérifications sur l’entrepreneur avant de vous engager. 

Cela dit, justement parce que le risque y est plus grand pour le client, la reddition de comptes permise par la loi y est aussi plus grande : 

« Lorsque le prix est établi en fonction de la valeur des travaux exécutés [...], l’entrepreneur [...] est tenu, à la demande du client, de lui rendre compte de l’état d’avancement des travaux, des services déjà rendus et des dépenses déjà faites » (art 2108 CcQ).

Ainsi, bien qu’il puisse permettre dans certains cas de réaliser des économies, ce type de contrat demande beaucoup de suivi et de vérification de la part du client. Il permet également à certains entrepreneurs malhonnêtes de vous flouer plus facilement. Après tout, c’est très facile de commander des matériaux en votre nom, puis d’en utiliser une partie sur un autre chantier. Ainsi, la confiance est primordiale, parce que vous ne vous mettrez certainement pas à compter les planches !

Cas particuliers

Clauses de révision du prix

Plusieurs contrats de construction ou de rénovation contiennent des clauses de révision du prix. Ces clauses de révision peuvent toutefois être contestées lorsqu’on est dans un contrat d’adhésion (que vous n’avez pas pu négocier) ou encore lorsqu’elles sont rédigées de manière abusive et que la Loi sur la protection du consommateur s’applique

Cas de force majeure 

Certains entrepreneurs vont plaider un « cas de force majeure » pour justifier une hausse de prix. D’abord, ces situations sont bien encadrées dans le Code civil du Québec (art. 1470 CcQ) et on ne peut donc pas utiliser cet argument à toutes les sauces. Il doit s’agir d’un événement imprévu, irrésistible et auquel on ne pouvait s'attendre. Par exemple, la crise du virus H1N1 (2009), la crise du verglas (1998) et la crise d’Oka (1990) avaient été reconnues comme des cas de force majeure.   

Ensuite, un cas de force majeure permet d’être libéré de ses obligations, pas d’en imposer de nouvelles à autrui. Ainsi, un entrepreneur pourrait se retirer d’un contrat lorsqu’un cas de force majeure l’empêche de le réaliser, mais pas exiger un prix supérieur à ses clients.

En fait, un cas de force majeure ne doit pas rendre l’obligation simplement plus coûteuse, mais pratiquement impossible. Ainsi, si l’entrepreneur exige un prix supérieur pour poursuivre, c’est qu’il reconnaît implicitement qu’il pourrait respecter son obligation et qu’il ne s’agit donc pas d’un cas de force majeure. 

Pour plus d’information, notre page à ce sujet.

Quoi faire

S’il vous semble que l’augmentation qui vous est demandée n’est pas légitime, une des possibilités est de payer partiellement la facture, « avec réserve », c’est-à-dire en déduisant la partie litigieuse. C’est votre entrepreneur qui devra vous poursuivre pour récupérer la partie litigieuse. Toutefois, si vous retenez un montant d’argent vous risquez une hypothèque légale de la construction.

Attention aux Hypothèques légales

Dans des cas de mésententes avec votre entrepreneur tels des travaux mal effectués, vices de construction ou extras, si vous décidez de ne pas payer entièrement votre entrepreneur, vous risquez (même si vous êtes dans votre droit) de voir votre résidence grevée d’hypothèque légale. En effet, hypothèque légale de la construction (HLC) est un droit qui permet à une personne (l’entrepreneur ou ses sous-traitants généralement) ayant participé à des travaux de construction sur un bâtiment de pouvoir se payer à même la valeur dudit bâtiment en le vendant aux termes d’un processus judiciaire, entre autres options. 

Afin d’éviter cette situation, vous pouvez payer le montant total sous réserve ce qui veut dire que vous contestez le montant payé. Vous devez inscrire la mention « sous protêt » sur le chèque remis à votre entrepreneur. Vous pourrez ensuite envoyer une mise en demeure à votre entrepreneur pour réclamer la somme payée en trop.

Il s’agit cependant d’une option bien imparfaite, puisque rien ne garantit que vous pourrez revoir cet argent. Donc, s’il est question d’hypothèque légale, consultez un avocat spécialisé dans le domaine. 

Conclusion

En conclusion, si on vous réclame un prix élevé que convenu, il faut d’abord bien relire son contrat pour valider ce à quoi chacun s’était engagé, tout en gardant en tête qu’il est possible que certaines clauses soient contestables. 

Une fois le type de contrat précisé, il vous sera plus facile de vous faire une idée de la légitimité des justifications de l’entrepreneur. 

Si l’augmentation ne vous semble pas légale, il vous est tout à fait possible de retenir la partie contestée de la facture (évidemment, uniquement la partie que vous êtes justifié de contester, sans vengeance aucune), en laissant à votre entrepreneur le soin de confier le litige aux tribunaux. 

Néanmoins, vous risquez alors une hypothèque légale de la construction. Bien comprendre ce qu’est une hypothèque légale et comment elle pourrait vous affecter est essentiel avant de décider d’aller de l’avant. Notamment, cela affecte beaucoup moins ceux qui ont un petit solde hypothécaire que ceux qui doivent encore à la banque une part importante de la valeur de leur habitation. 

Dans tous les cas, s’il s’agit davantage d’un désaccord que d’une escroquerie, il est toujours préférable de tenter de s’entendre. 

Enfin, si vous vous entendez sur des modifications au contrat, veillez à conserver des traces écrites de ces modifications. 

N’hésitez pas à consulter un avocat.

 

Pour aller plus loin,  consultez notre Webinaire à ce sujet

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