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Sous-sols, inondations et assurances

L’augmentation des sinistres causés par l’eau doit susciter une réflexion sur l’aménagement de sous-sols au Québec, ainsi que sur l’avenir de l’aide aux sinistrés. 

Sous-sol inondé

L’augmentation des sinistres causés par l’eau doit susciter une réflexion sur l’aménagement de sous-sols au Québec, ainsi que sur l’avenir de l’aide aux sinistrés. 


Les changements climatiques rendent les événements météorologiques extrêmes de moins en moins exceptionnels au Québec. Cela fait d’ailleurs des années que le Bureau de l’assurance du Canada alerte au sujet de l’augmentation soutenue des sinistres catastrophiques assurés au Canada. Une bonne part des catastrophes météorologiques en cause implique des inondations, soit à cause du débordement de cours d’eau, ou de pluies diluviennes. 

À chaque catastrophe, il y en a quelques-uns qui appellent à la fin des sous-sols, ou au moins de ceux qui sont aménagés (p. ex. : octobre 2008, avril 2014, mai 2023, août 2024 [Le Devoir] [Ohdio] [Lanauweb], juin 2025 [LaPresse] [TVA]). Car, en effet, malgré ses avantages, les inconvénients d’un sous-sol sont importants. 

Les désavantages

D’abord, le plus évident : creuser un trou, c’est inviter l’eau présente dans le sol à s’y engouffrer. Ainsi, les problèmes d’humidité y sont très communs, d’où le nécessaire déshumidificateur qui peut parfois fonctionner presque sans arrêt durant les périodes chaudes et humides. Les fondations des bâtiments plus récents sont normalement beaucoup mieux protégées contre les infiltrations d’eau, mais rares sont celles qui sont réellement étanches. 

Or, à défaut de contrôler son taux d’humidité, on risque très fort de voir proliférer les moisissures et autres champignons, ce qui peut être nocif à la fois pour le bâtiment et pour votre santé. 

Parlant de santé, on entend de plus en plus parler du radon, ce gaz radioactif naturellement présent dans le sol, qui peut s’infiltrer et rester confiné dans les sous-sols. Ce serait la 1re cause de cancer du poumon chez les non-fumeurs. 

Cela dit, lorsqu’on est en zone à risque (zone inondable ou autre), c’est clairement l’inondation qui frappe le plus les esprits. Que ce soit lors de crues printanières ou de pluies diluviennes, si l’eau passe par-dessus le niveau des fondations (ce qui est assez systématique si vous avez un garage enterré ou semi-enterré), l’inondation est presque inévitable. 

Dans un tout autre registre, si vous voulez réduire l’impact environnemental de la construction de votre future maison, sachez que la plus grosse part de son empreinte carbone provient du béton utilisé pour les fondations. Ainsi, construire sur dalle, par exemple, diminue la quantité de béton nécessaire et réduit considérablement l’empreinte carbone du bâtiment. 

À cela, certains opposent l’argument économique qu’à surface égale, un sous-sol coûte moins cher qu’un 2e étage, mais d’autres comme Écohabitation rétorquent que la maison à 2 étages offre une meilleure valeur de revente que celle avec un sous-sol. 

Tous ces désavantages expliquent peut-être en partie pourquoi les sous-sols sont un trait culturel québécois si peu répandu ailleurs. En effet, on les retrouve surtout en climat froid, où comme les fondations doivent habituellement se rendre sous la ligne de gel, elles offrent naturellement un espace pouvant être aménagé. Lorsque le climat ne justifie pas une telle excavation, ils deviennent soudainement beaucoup moins intéressants. 

Construction neuve

Ainsi, bien des experts de domaines variés arrivent à la conclusion qu’un sous-sol aménagé n’est généralement pas un très bon choix pour un bâtiment résidentiel. Malgré tout, les Québécois sont attachés à ce mode d’habitation si bien qu’on peut se demander ce que ça prendra pour qu’un changement de culture s’opère. 

Évidemment, cela passe invariablement par une conscientisation des acheteurs (et c’est d’ailleurs un des buts de cette page). Néanmoins, il est important de rappeler que ceux-ci ont bien souvent peu d’influence sur la manière dont nos quartiers se développent. Tous ne sont pas autoconstructeurs et beaucoup doivent composer avec les plans proposés par les promoteurs. Ces derniers diront qu’ils font des sous-sols parce que c’est ce que les gens veulent. L'œuf ou la poule ? Surtout que, considérant qu’il est actuellement moins cher de construire un sous-sol qu’un 2e étage et que les acheteurs tentent évidemment de limiter les coûts, à surface habitable égale, le bassin d’acheteurs potentiel pour une maison avec sous-sol doit vraisemblablement être plus grand. 

C’est pourquoi l’encadrement des municipalités et du Gouvernement du Québec est essentiel. Les municipalités ont leurs propres exigences sur ce qui peut ou pas être construit sur leur territoire et Québec peut également intervenir « dans le but de résoudre un problème d'aménagement ou d'environnement dont l'urgence ou la gravité justifie, de l'avis du gouvernement, une intervention. » C’est d’ailleurs ce qui est arrivé en 2019 avec les « Zones d’intervention spéciale » comprenant les territoires inondés en 2017 et 2019. Il devient de plus en plus impératif que les pouvoirs publics encadrent ceux qui autrement bâtissent n’importe quoi n’importe où, sans considération pour l’intérêt public. 

D’ailleurs, « dès mars 2026, des cartographies de nouvelle génération des zones inondables et de mobilité des cours d’eau seront progressivement publiées sur un portail gouvernemental. [...] Le cadre réglementaire modernisé en milieux hydriques établira quels travaux et interventions seront permis dans ces zones. » 

Considérant que chaque bâtiment construit l’est normalement pour des décennies, nous espérons que le cadre réglementaire modernisé verra à très long terme et laissera aux générations futures un patrimoine bâti beaucoup plus résilient. 

Constructions existantes

Cela dit, même si l’État venait grandement limiter les sous-sols aménagés dans le résidentiel neuf, il n’en resterait pas moins, en extrapolant des données du recensement de 2021, qu’il y a déjà près de 4 millions de logements au Québec. De ceux-ci, combien ont un sous-sol aménagé et se retrouvent en zone à risque? Et que doit-on en faire? Parce que, quoi qu’on puisse en penser, les impacts seront en partie collectifs. 

D’abord, en milieu urbain, il faut le dire, les inondations sont souvent causées par des infrastructures municipales qui n’ont simplement pas été conçues pour gérer des pluies aussi importantes. Des solutions sont connues, mais, par exemple, on ne refait pas des milliers de kilomètres d’égout pluvial du jour au lendemain (Montréal à elle seule en compterait près de 5000 km). Considérant que les rapports prédisant les impacts des changements climatiques s’accumulent depuis des décennies, est-ce que les pouvoirs publics sont un peu responsables des retards actuels dans l’adaptation aux changements climatiques ? Certainement ! On peut comprendre la frustration de ceux qui viennent d’être inondés pour la 3e fois en 2 ans. Est-ce que ce constat accélère les travaux nécessaires ? Absolument pas. Donc, en attendant que nous ayons des infrastructures plus résilientes, le problème urgent devient l’assurabilité. 

L’assurabilité

En effet, à moins que des solutions urgentes soient trouvées, c’est toute une partie du parc immobilier qui est vouée à devenir, à court terme, inassurable, voire inhabitable. Quand on est inondé à répétition, d’une part, personne ne veut plus vous assurer, mais d’autre part, qui va être intéressé à racheter la propriété ? C’est évident qu’il va y avoir des pertes immenses et beaucoup de détresse, laquelle se vit d’ailleurs déjà

D’ailleurs, La Facture a diffusé un reportage à ce sujet en mars 2025 : Le scénario catastrophe d’un monde inassurable et c’était également le sujet d’un éditorial de Stéphanie Grammond dans La Presse en juillet 2025 : Ciel, mon assurance prend l’eau !

 

Bien que chaque solution impose ses désagréments, il est crucial de réaliser que si on n’en implante aucune, tous vont y perdre. Au premier lieu, les propriétaires, évidemment, mais également les prêteurs hypothécaires, les municipalités (perte de taxes foncières), l’économie locale et plus globalement, les collectivités touchées. Il y a donc un effort collectif à réaliser. 

Réalistement, la mise à niveau des infrastructures municipales ne se fera pas partout à temps. Et dans tous les cas, comme ce sont des infrastructures conçues pour durer des décennies, leur remplacement avant leur fin de vie utile va coûter cher à l’ensemble des citoyens. De plus, ça ne changera rien en ce qui concerne la grêle, les tornades ou encore les feux de forêt, d’autres sinistres pour lesquels l’industrie de l’assurance est de plus en plus frileuse. 

Si on se met à leur place : l’assurance s’appuie sur le principe de la mutualisation des risques, c'est-à-dire le partage du risque entre assurés de risque similaire de sorte qu’ils se compensent. Lorsque les sinistres sont de plus en plus rapprochés, il vient un point où ce ne sont plus des risques, mais des certitudes. La question n’est alors plus “à qui” ou même “si” ça va arriver, mais “quand” est-ce que ça va arriver. Couvrir de tels risques coûterait excessivement cher pour le consommateur, au point où, même si des assureurs acceptaient de le faire, on peut se demander s’il se serait réellement dans l’intérêt du consommateur de payer de telles sommes. 

Plus largement, qu’il soit assuré ou pas, on peut également se demander si c’est réellement dans son intérêt et dans celui de la société que de continuellement rebâtir une habitation (ou tout autre bâtiment) vouée à être sinistrée sur une base régulière. 

La résilience

Dans tous les cas, le mot qui revient de plus en plus, c’est la résilience, soit la « Capacité [...] à résister à une perturbation importante et à retrouver un niveau de fonctionnement acceptable » (OQLF).

Pour rendre un sous-sol résilient, on pense souvent d’abord à l’entretien du drain français, à l’étanchéisation des fondations et/ou à une pompe de puisard avec batterie. Mais surtout, il est également essentiel de n’utiliser au sous-sol essentiellement que des matériaux qui peuvent supporter l’eau, qui ne peuvent pourrir/moisir et qu’on n’a donc pas besoin de changer suite à un dégât d’eau ou une inondation. Il faut également porter une attention particulière à l’emplacement des installations électriques, qu’on cherchera à surélever autant que possible. 

Vous pouvez retrouver ces conseils et d’autres sur le site de l’APCHQ.

D’ailleurs, avec l’augmentation des risques, on peut sérieusement se demander si ces recommandations ne devraient pas être imposées par le Code de construction du Québec lorsqu’on aménage un sous-sol en zone à risque. 

Société de l’assurance bâtiment du Québec

En guise de conclusion, tout cela nous amène à nous poser une question.
Avec le prix de l’immobilier qui augmente beaucoup plus rapidement que l’inflation ; avec la hausse des sinistres due aux changements climatiques, l’assurance habitation devient plus essentielle que jamais pour les propriétaires, alors même que le secteur privé juge de plus en plus d’éléments trop risqués pour être couverts. 

Arrivera-t-on au point où il faudra créer une Société de l’assurance bâtiment du Québec ? 

Évidemment, ce n’est pas non plus à l’État à assumer seul des risques que le privé juge trop risqués. 
Or, d’un autre côté, c’est indirectement déjà ce qui se fait, avec le Programme d’Aide financière pour propriétaires et locataires lors d'une inondation ou d'un autre sinistre. À chaque fois qu’il y a une vague de sinistrés, le gouvernement éponge une partie de la facture avec ses programmes d’aide. Or, ceux-ci sont financés principalement par l’impôt sur le revenu. Avec une société d’assurance, ils le seraient par des primes d’assurances, lesquelles, comme à la SAAQ, pourraient être modulées pour mieux refléter le risque et la valeur assurable.

Sans être une proposition officielle de l’ACQC, il nous semble qu’y a une réflexion à avoir sur la manière dont nous souhaitons financer l’aide aux sinistrés de catastrophes naturelles. 
Car, elles vont assurément continuer d’augmenter en force et en fréquence, et nos programmes actuels ne font vraiment pas que des heureux.

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