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La Régie du bâtiment du Québec

Une des raisons pour lesquelles l’ACQC existe est l’incapacité du gouvernement québécois, depuis toujours, à encadrer efficacement l’industrie de la construction. C'est dû notamment à l'inefficacité de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) à laquelle cette page est consacrée.

En bref

« Selon la Loi sur le bâtiment, une licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) devrait être gage de qualité et de confiance pour le public. Cette licence devrait faire foi de la compétence, de la probité et de la solvabilité de l’entrepreneur. Toutefois, la RBQ ne prend pas tous les moyens appropriés pour qu’il en soit ainsi. En effet, sa stratégie pour s’assurer de la compétence des entrepreneurs est insuffisante. De plus, la RBQ n’intervient pas toujours au moment opportun auprès des entrepreneurs qui ne respectent pas les conditions pour obtenir et conserver une licence. En outre, les mesures de compensation financière qu’elle a mises en place et l’information qu’elle publie dans le Registre des détenteurs de licence ne protègent pas non plus adéquatement les consommateurs. 

Quant à son mode de tarification, il ne lui permet pas d’arrimer ses revenus à ses dépenses pour chacune de ses clientèles, comme l’exige la Politique de financement des services publics. »

Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2021-2022,
Juin 2021 ; Chapitre 3. Gestion des licences d’entrepreneur en construction et tarification
. p. 2.

Une des raisons pour lesquelles l’ACQC existe est l’incapacité du gouvernement québécois, depuis toujours, à encadrer efficacement l’industrie de la construction, tel qu’en témoigne cette citation du rapport du VGQ de 2021. 

Pourtant, la Commission de la construction du Québec (CCQ) et la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) ont été créées spécifiquement pour cela.

Or, l’ACQC reçoit des centaines d’appels chaque année, dont la majorité porte sur un différend avec un entrepreneur en construction. D’ailleurs, d’après un sondage commandé par RénoAssistance en 2018, « 42 % des clients québécois vivent des expériences difficiles dans ce domaine » et « 58 % des propriétaires ne font pas confiance aux entrepreneurs généraux » (en augmentation). 

La RBQ reçoit également plusieurs milliers de plaintes chaque année et est donc bien au fait des insatisfactions du public. Pourtant, l’encadrement qu’elle met en place n’est manifestement pas suffisant pour rétablir la confiance du public envers une industrie au bilan médiatique peu reluisant. Pourquoi, et que pourrait-elle y faire?

Ainsi, cette page vise ainsi à porter un regard sur différents éléments de la mission et des fonctions de la RBQ, sur les moyens mis en place (ou pas) pour les remplir et sur des éléments que nous considérons souhaitables pour améliorer l’état des choses.

Chacun son rôle - Le monde de la construction au Québec

Au Québec, nous avons fait le choix de diviser clairement les rôles dans l’industrie de la construction.

En principe, d’un côté les architectes et les ingénieurs (encadrés par leur ordre) sont ceux qui conçoivent les plans.

De l’autre côté, les ouvriers, encadrés par la Commission de la construction du Québec (CCQ) (laquelle émet des certificats de compétences) sont ceux qui les exécutent.

Entre les deux, leurs employeurs : les entrepreneurs en construction, encadrés par la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) (laquelle émet des licences d’entrepreneurs), sont ceux qui peuvent soumissionner sur des contrats et être en charge des travaux.

L’entrepreneur en construction ne serait donc que le gestionnaire d’une entreprise qui fait exécuter par des ouvriers des travaux validés par d’autres, qui sont, eux, des professionnels. Dans ce modèle, l’entrepreneur doit surtout maîtriser la lecture de plans, le Code de construction du Québec, ainsi que la gestion de chantier et, plus largement, la gestion d‘une entreprise. Théoriquement, comme il a des ouvriers, ce n’est pas lui qui doit réaliser les travaux en tant que tels. Comme il ne ferait que suivre le Code de construction du Québec ou les plans et devis fournis par un professionnel, il n’aurait pas besoin d’études approfondies en sciences du bâtiment. On le considère comme un exécutant. 

Or, dans la rénovation domiciliaire, il n’est pas rare que l’entrepreneur remplisse les trois rôles. Si passé une certaine taille de bâtiment, on ne peut se passer des services de professionnels (ingénieurs et architectes), dans le petit bâtiment (p.ex. les habitations unifamiliales isolées de maximum 2 étages et 600 m2), ils ne sont que rarement nécessaires. C’est donc souvent l’entrepreneur qui doit offrir au client une solution conforme aux codes et normes en vigueur. Par ailleurs, la plupart des entreprises dans le petit bâtiment sont des PME de quelques employés à peine. Dans biens des cas, l’entrepreneur gère un nombre limité de chantiers et participe activement aux travaux. Dans ce secteur, l’entrepreneur fait donc bien plus que de gérer des contrats de travaux de construction.

 

Rôle de la RBQ

D’après la Loi sur le bâtiment, l’objectif de la RBQ est notamment « d’assurer la qualité des travaux de construction d’un bâtiment » et «d’assurer la qualification professionnelle, la probité et la solvabilité des entrepreneurs» (a.1). En effet, la mission de la RBQ vise la protection du public (a.110), par des fonctions telles que le «[contrôle de] la qualification des entrepreneurs [...] de façon à s’assurer de leur probité, leur compétence et leur solvabilité» ou « [l’adoption de] mesures en vue de responsabiliser davantage les personnes oeuvrant dans le milieu de la construction » (a.111). D’ailleurs, pour obtenir et conserver une licence de la RBQ, il faut se mériter la confiance du public, selon la Régie (a.58 et 70).

On peut ainsi regrouper les principales activités d’encadrement nécessaires pour assurer ces fonctions:

  1. Vérifications précédant la délivrance des licences
  2. Formation continue 
  3. Surveillance et sanctions

 

1. La délivrance des licences

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2. La formation continue obligatoire

Ça fait des années que c’était demandé: la RBQ a finalement imposé de la formation continue obligatoire pour les entrepreneurs en construction. À partir du 1er avril 2022, une part significative des entrepreneurs auront l’obligation de suivre au moins 16h de formation continue par période de deux ans. Si l’on se doit de saluer cette nécessaire avancée, il faut reconnaître que la RBQ y va très progressivement, de manière à ne pas chambouler l’industrie plus que nécessaire, aussi bien en ce qui concerne la part des entrepreneurs concernés que le nombre d’heures exigées. L’écart est frappant avec les 30h et 40h qu’on exige des ingénieurs et des architectes. 

Une première amélioration importante serait donc de rehausser le nombre d’heures requises. Considérant que la construction est en bonne partie une industrie saisonnière, ce n’est pas le temps qui manque pour se former. En particulier, le cumul de spécialisations devrait imposer un cumul d’heures de formation requises, ce qui n’est pas le cas actuellement. 

Cela étant dit, la formation continue vise avant tout à ce qu’une personne adéquatement formée demeure à jour dans son domaine. Or, comme la vérification initiale de la qualification est déficiente à la base, il ne faut pas s’attendre à ce que huit heures de formation continue par année rendent compétents des entrepreneurs qui ne l’étaient pas au départ. Il s’agit donc d’un élément important, mais qui ne règlera absolument pas le problème de qualification initiale.

 

3. La surveillance

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4. Le système de licence en lui-même

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5. Est-ce un problème de financement ?

5.1 Les finances de la RBQ

Évidemment, toutes ces améliorations nécessaires demandent des ressources. D’abord, il faut savoir que la RBQ ne manque pas de moyens. En effet, depuis 2002-2003 (son plus ancien rapport annuel de gestion disponible en ligne), la RBQ a toujours dégagé des surplus importants, généralement de l’ordre de 18% à 21%, ce qui est assez inusité pour une institution gouvernementale (allez dire cela à un gestionnaire des réseaux de la santé ou de l’éducation, juste pour voir sa réaction). D’ailleurs, en 2022-2023, la RBQ a déclaré un excédent de 22,3 M$ (23%), le plus grand de son histoire (aussi bien en absolu qu’en relatif, même en dollars constants). A-t-on besoin de rappeler que la RBQ n’est pas une société d’État dont la mission serait de faire le commerce de licences d’entrepreneurs, mais bien un organisme dont les revenus doivent servir à remplir sa mission? Ainsi, en date du 31 mars 2023, la RBQ avait des excédents accumulés de 209 M$, soit suffisamment pour fonctionner sans aucun revenu pendant près de trois ans ! Alors que les défis y sont si grands, on peine (euphémisme) à s’expliquer une telle accumulation de fonds publics. Ce n’est donc pas par manque de moyens qu’elle néglige certains aspects de sa mission. 

Cela dit, il nous faut reconnaître que les mesures nécessaires à un encadrement adéquat coûteraient sans doute beaucoup plus que 18 à 21% de son budget. C’est donc la structure même de financement de la RBQ qui est à revoir. 

Selon le Rapport annuel de gestion 2022-2023 de la RBQ, toutes les activités de la RBQ sont déficitaires, sauf une qui finance toutes les autres: le contrôle et la surveillance des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires (financée à 194%). Concrètement, ce que ça veut dire, c’est que la RBQ va chercher presque deux fois en contrôle et surveillance (dont les coûts de maintien de licences) que ce que ça lui coûte de surveiller ses licenciés, et que c’est comme cela qu’elle finance ses autres activités comme la qualification des entrepreneurs ou les révisions réglementaires. 

Avec une telle structure de financement, la RBQ n’a aucun intérêt financièrement, à court terme, à être plus exigeante sur la qualification, car cela ferait diminuer le nombre de licenciés et donc, les revenus récurrents sans lesquels son budget serait déficitaire. 

La structure de financement serait beaucoup plus saine si la qualification était, elle aussi, rentable. Le but n’est pas ici de rendre l’accès à la licence déraisonnablement coûteux, mais elle pourrait, par exemple, exiger des montants plus importants pour les reprises d’examens. Une telle mesure inciterait de plus les postulants à mieux se préparer. 

Également, comme, logiquement, des travaux d’électricité devraient être davantage inspectés que des travaux de peinture, elle pourrait davantage ajuster le coût des sous-catégories de licences en fonction du volume d’activités de surveillance que justifie le niveau de risque des travaux qu’elle permet (c’est déjà un peu le cas, mais nous ne sommes pas du tout d’accord avec la classification de l’annexe III et la logique pourrait de toute manière aller plus loin). 

En somme, peu importe les moyens employés, il faut sortir d’un paradigme où la RBQ ressort financièrement perdante d’être plus exigeante, pour aller vers un modèle où la qualification des entrepreneurs (et la prévention en général) est rentable.

5.2 Le rôle du gouvernement

Une bonne part des reproches qu’on peut faire à la RBQ reposent au moins en partie sur un manque de ressources humaines. Notamment, elle aurait besoin de beaucoup plus d’inspecteurs et d’enquêteurs. On pourrait penser qu’avec ses surplus, elle n’a qu’à embaucher. Or, il ne faut pas perdre de vue que, bien que la RBQ soit autonome financièrement, étant régie par la Loi sur la fonction publique (LB, art.102) ainsi que par la Loi sur l’administration publique, elle est totalement dépendante du Conseil du trésor pour sa gestion des ressources humaines (notamment de ses règles de dotation et par les conventions collectives applicables). Surtout, «Le Conseil du trésor peut, en outre, établir le niveau de l’effectif d’un ministère ou d’un organisme» (LAP, art.32).

Lorsque des gouvernements successifs désirent réduire la taille de l’État (ou limiter sa croissance) et imposent  aux organismes et ministères de contenir voire geler les embauches dans la fonction publique, cela s’applique également à la RBQ. 

C’est une mesure très contradictoire lorsqu’on considère qu’on exige des organismes autres que budgétaires (tel que la RBQ) d’être autonomes financièrement, mais sans leur donner toute la liberté nécessaire dans la gestion de leurs ressources et en particulier de leur personnel. 

Ainsi, la capacité à embaucher de la RBQ ne dépend pas uniquement de sa bonne santé financière, mais également du bon vouloir du Secrétariat du Conseil du trésor, ce qui explique sans doute en partie ses surplus injustifiables. Une partie de la solution demeure donc encore entre les mains de la ministre Sonia Lebel.

 

Conclusion

Pour finir, globalement, si on remarque des améliorations ici et là, la transformation promise de cette importante institution du Québec se fait toujours attendre. On comprend bien, des discussions qu’on peut avoir avec eux et certains de leurs collaborateurs, qu’il y a une volonté réelle de changer les choses,  mais on s’explique toujours aussi mal que de tels excédents ne permettent pas d’aller plus vite. À leur décharge, certains changements importants exigent des modifications à la Loi sur le bâtiment, un dossier qui s’éternise sur le bureau du ministre Jean Boulet. Celui-ci, pour des raisons qu’on peut comprendre, a accordé la priorité à la loi R-20 (qui encadre les ouvriers) dans le but d’accélérer les chantiers en répondant à la pénurie de main-d'œuvre par une augmentation controversée de sa mobilité. Maintenant que celle-ci a finalement été modifiée, on ne peut qu’espérer qu’un projet de loi concernant la Loi sur le bâtiment suivra plus tôt que tard.

Ce qu’on veut y retrouver, c’est la promesse d’un secteur de l’habitation mieux encadré et plus compétent, en misant davantage sur la prévention. Est-ce que ça coûterait plus cher aux consommateurs? Au contrat, probablement, mais en frais de justice, en reprises de travaux, en sinistres évités, en durabilité des travaux ou en économies d’énergie, assurément beaucoup moins. 

Les 6 priorités à retenir pour l’ACQC :

  1. Réformer le système de cautionnement

  2. Abroger l’exemption de la qualification en exécution de travaux pour l’annexe III

  3. Bonifier le Plan de garantie 

    • en élargissant les bâtiments couverts

    • en adoptant l’inspection multiétapes à 100%

    • en protégeant les acheteurs dès la signature du contrat préliminaire

  4. Rendre obligatoire la surveillance des travaux

  5. Rendre obligatoire la formation initiale dans le secteur du bâtiment

  6. Améliorer radicalement le traitement des plaintes et activités d’enquêtes à la RBQ

 

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