Réaction au projet de loi 78

Vendredi, 18 décembre, 2020
Marc-André Harnois, ACQC

Le 8 décembre , le ministre Jean Boulet a déposé à l’Assemblée nationale le Projet de loi n° 78, Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises. Si la motivation première de ce projet de loi semble être la lutte contre l’évasion fiscale, il contient également une mesure qui nous intéresse particulièrement : On pourra désormais rechercher le nom personnel d’un individu au registre des entreprises du Québec. Il s’agit d’une révolution qui représente une avancée majeure en matière de protection du consommateur ! 

 

Pourtant, ce n’est pas plus tard qu’en février 2019 que la Cour supérieure du Québec avait tranché la question. Alors que  Radio-Canada poursuivait le Registraire des entreprises du Québec (REQ) pour pouvoir faire ce type de recherche, la Cour est venue affirmer que considérant ses différentes obligations en matière de protection des renseignements personnels, le REQ était bien fondé de les interdire. Nous étions d’ailleurs très déçus. 

De facto, le projet de loi 78 vient donc renverser la domination de la protection des renseignements personnels sur la protection du consommateur. Il s’agit d’une avancée majeure pour laquelle nous ne pouvons que saluer l’audace du ministre Jean Boulet. 

Le ministre a d’ailleurs parfaitement saisi l’impact qu’aura ce projet de loi sur le consommateur, tel qu’en témoigne cet extrait de la conférence de presse qu’il a diffusé sur sa page Facebook

« Par exemple, si un individu souhaite faire affaire avec un entrepreneur général, pour construire une propriété, il serait désormais possible de chercher l’entrepreneur par son nom au registre. Si en cherchant le nom de l’entrepreneur l’individu y trouve de nombreuses entités fermées après une brève échéance, cela pourrait l’alerter quant au fait que l’entrepreneur utilise le stratagème des coquilles vides, des entreprises éphémères créées pour éviter tout risque de recours contre l’entrepreneur. L’individu pourrait alors en toute connaissance de cause choisir un entrepreneur plus stable et de meilleure confiance.»   

L’ACQC est très heureuse que le ministre ait choisi cet exemple pour illustrer cette disposition, reconnaissant par le fait même la gravité du phénomène et l’importance de s’y attaquer. Encore récemment, dans nos discussions avec la machine gouvernementale, nous étions confrontés à un point de vue où l’expression «coquilles vides» est une formule médiatique, une formulation galvaudée pour décrire une pratique qu’il faut surveiller, mais sans plus. 

En comparaison, par cette seule mesure, le ministre Jean Boulet aura fait davantage pour lutter contre le phénomène des coquilles vides dans l’industrie de la construction que l’ensemble des ministres responsables de la RBQ depuis qu’elle existe et cela mérite d’être applaudi. 

Pour conclure, à défaut que le gouvernement ait l’audace de sévir contre cette pratique, le consommateur prudent pourra désormais les repérer plus facilement... à condition que cet article du projet de loi survive jusqu’à l’adoption.