La question de la semaine sur le choix du notaire lors de l'achat d'un condo

Mardi, 6 octobre, 2020
François Sanche, La Facture, Radio-Canada

Extrait(s) :

Deux téléspectateurs qui ont acheté un condo se sont fait imposer un notaire par l’entrepreneur qui a construit leur immeuble. Ces téléspectateurs auraient préféré faire affaire avec le ou la notaire de leur choix.

Lors de l’achat d’un condo neuf, à qui revient le choix du ou de la notaire?

Règle générale, c'est l'acheteur qui a le droit de choisir son ou sa notaire pour conclure la vente d'une habitation. Maison ou condo!

Par contre, dans les faits, ce choix revient souvent au promoteur ou au constructeur d'un immeuble en copropriété.

Pourquoi ?

D’abord, si le promoteur ou le constructeur finance une partie du prêt de l'acheteur, c’est à lui que revient le choix. C’est inscrit dans la Loi sur le notariat.

Également prévu dans cette loi: le promoteur ou le constructeur détient ce droit s’il a fait inscrire dans le contrat de vente une clause qui prévoit le recours au notaire ou à la notaire de son choix. En signant le contrat de vente, l'acheteur est donc lié à cet expert.

La facture a vérifié : cette dernière situation est pratique courante. Dans les faits, il arrive fréquemment que des promoteurs s’entendent avec un ou une notaire en particulier. En échange d’une exclusivité sur les actes de vente, les hypothèques et autres documents liés à la vente des copropriétés, le ou la notaire exécutera à bon prix pour le promoteur toutes les autres transactions liées au projet de construction. Pour l’acheteur, ce mode de fonctionnement lui assure à bon prix un professionnel qui connaît le projet de fond en comble, pour avoir supervisé toutes les transactions depuis le début. Pour le promoteur, cette procédure facilite le travail administratif.

Inquiet? Sachez que contrairement aux avocats, les notaires qui supervisent de telles transactions le font à titre d’officiers publics.

À ce titre, ils ont un devoir d’impartialité. Ils doivent informer et conseiller les deux parties de la même façon, tant le promoteur que l’acheteur. Cette obligation est inscrite à l’article 11 de la Loi sur le notariat et à l’article 30 du Code de déontologie des notaires.

Selon les notaires que La facture a consultés, cette situation ne pose pas problème dans la grande majorité des cas. D’ailleurs, la Chambre des notaires assure qu’elle reçoit peu de plaintes du public concernant cette situation. Ce que confirme aussi l’Association professionnelle des notaires du Québec, l’APNQ, ainsi que le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec, le RGCQ.

L’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction, l’ACQC, fait toutefois remarquer qu’en cas de problèmes, les consommateurs pensent rarement à pointer du doigt le ou la notaire. L’ACQC n’a pas recensé des cas de fautes professionnelles graves dans de telles situations. Mais au vu de certaines transactions qu’elle voit passer, l’association se questionne sur l’apparence de conflit d’intérêt, du moins sur la diligence de certains notaires à conseiller l’acheteur dans ces cas: « C’est vraiment la qualité de l’information qui nous inquiète », affirme son directeur général, Marc-André Harnois.

DES SUGGESTIONS DE CLAUSES À VÉRIFIER

C’est pourquoi l’ACQC conseille aux acheteurs d’être attentifs à certaines clauses, comme celles concernant les acomptes. En raison du risque de ne plus revoir cette somme - par exemple, en cas de faillite du constructeur - il vaut la peine de vérifier jusqu’à quel pourcentage l’acompte est garanti. Posez la question à votre notaire.

De même, vérifiez ce que prévoit le plan de garantie: en cas de problèmes de construction et de vices cachés, quels recours avez-vous? Et auprès de qui?

D’autres clauses sur la substitution de matériaux, sur les modifications possibles aux dimensions du plan, sur la servitude et sur les droits de passage sont également à surveiller. Un ou une notaire attentionné(e) devrait répondre à vos questions. C’est d’autant plus important, dit Marc-André Harnois, si vous n’êtes pas accompagné d’un courtier diligent : « Si le client pose la question, le professionnel devra y répondre ».

Le directeur général de l’Association professionnelle des notaires du Québec, l’APNQ, Me François Bibeau, estime que les écarts possibles dans ces situations relèvent davantage du savoir-vivre que de la compétence professionnelle. Néanmoins, il insiste lui aussi: « Posez toutes les questions franchement. Et voyez comment le notaire prend le temps d’y répondre », conseille celui qui était président de la Chambre des notaires jusqu’en juin dernier. « Quand le notaire ne répond pas aux questions, quand il ne répond pas aux courriels - si vous l’écrivez sans le harceler, bien sûr- ce sont là des indices sur la qualité du travail. »

La Chambre des notaires assure qu’elle surveille ses membres. Lors des inspections, les notaires dont le chiffre d’affaires dépend de promoteurs voient leurs dossiers faire l'objet « d’une attention particulière de la part de l’inspecteur », indique dans un courriel Johanne Dufour de la Direction service aux clientèles et communications de la Chambre.

Outre l’inspection, la Chambre des notaires reçoit les plaintes du public. Elle offre également des services de conciliation et d’indemnisation.

VOUS ÊTES SERVI PAR LE OU LA NOTAIRE DU PROMOTEUR ET VOUS VOULEZ ÊTRE RASSURÉ ENCORE PLUS?

Vous pouvez vous faire accompagner par votre propre notaire, que vous engagez alors, non pas à titre d’officier public, mais à titre de conseiller juridique. C’est ce que conseillent en choeur la Chambre des notaires, l’APNQ, l’ACQC et un expert consulté par La facture. Ce professionnel pourra examiner à l’avance certains documents clés afin de vous suggérer des questions à poser lors de la transaction « comme la promesse d’achat, la déclaration de copropriété, la répartition des frais de condo », énumère Me François Bibeau de l’APNQ. « Et de nos jours, il serait prudent de demander aussi une copie du cahier de charge », précise-t-il. Le promoteur ne peut refuser que vous fassiez appel à un tel conseiller.