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Électrification des transports et Code de l’électricité

En mars-avril derniers, la RBQ a publié pour commentaire un projet de règlement modifiant le Code de l’électricité au sujet duquel nous leur avons transmis de très nombreux commentaires. Si l’essentiel du projet est trop technique pour intéresser le public, il y a néanmoins un enjeu sur lequel nous avons pris une position controversée que nous tenons à mentionner et expliquer ici.

2025-05

D’abord, il nous semble important de signaler que les enjeux environnementaux sortent du cadre de la mission de l’ACQC. Nous sommes évidemment sensibles à ces enjeux, comme devrait aujourd’hui l’être n’importe quelle organisation qui voit moindrement à long terme, mais nous évitons généralement de consacrer nos ressources à ces enjeux, auxquels d’autres organismes sont spécifiquement dédiés et possèdent une expertise qui n’est pas la nôtre. 

Il s’agit ici d’une exception, où manifestement, se heurtent plusieurs visions de la transition, même parmi les organismes environnementaux que nous avons consultés, et où l’intérêt des consommateurs dans le domaine de l’habitation nous force à nous prononcer en marge de notre mission. 

Contexte

À moins que vous viviez déjà sur une autre planète (on vous souhaite qu’elle soit en meilleur état que la nôtre), vous savez sans doute que les émissions de gaz à effet de serre sont la principale cause des changements climatiques et qu’au Québec, grâce à notre production électrique essentiellement hydroélectrique, la principale cause de ces émissions relève du secteur des transports (et notamment de la voiture individuelle). 

Ainsi, dans l’objectif d’atteindre la carboneutralité (l’objectif du Québec est 2050), il nous faudra invariablement modifier nos habitudes en matière de transport. Le gouvernement a déjà annoncé la fin de la vente de véhicules légers à moteur à combustion en 2035. S’il s’en tient au plan annoncé, en donnant encore environ 10 ans sur nos routes aux derniers véhicules vendus, en 2045, la quasi-totalité des voitures circulant au Québec devrait être électrique. Le but de cette page n’est pas d’en débattre. Ce n’est que ce qui est annoncé. 

Ça veut donc dire qu’il nous reste 20 ans pour mettre en place les infrastructures nécessaires pour recharger ces véhicules et il va de soi que l’option la plus pratique est que chacun puisse recharger chez soi. 

Si pour une maison unifamiliale cela ne pose pas de problème particulier, dans le grand bâtiment, les enjeux peuvent être plus importants. Notamment, il s’agit souvent d’infrastructures dont l’installation est beaucoup moins coûteuse lors de la construction que par la suite. En matière d’électrification des transports, c’est le principal enjeu auquel ce projet de règlement veut s’attaquer, en imposant non pas l’installation de bornes, mais surtout, de tout ce qui va en arrière et qui est plus difficile à ajouter par la suite. 

D’abord, il propose qu’il soit obligatoire, minimalement, d’installer un fil (et une prise) ou un conduit vers chaque espace de stationnement résidentiel, ce qui va de soi selon nous. La borne ne serait pas encore obligatoire, mais le fil étant rendu, ce sera ensuite une formalité que d’en installer une. 

Là où ça se complique (et où notre position fait moins consensus), c’est sur la puissance nécessaire (pour le fil, mais surtout, pour le panneau électrique), ce qui nous force à faire un petit aparté. 

Quelques notions de base

  1. La capacité d’une batterie se mesure en kWh et pour les véhicules légers 100 % électriques actuellement sur le marché, est généralement de l’ordre de 80 à 100 kWh (un peu moins pour certains véhicules plus légers et souvent plus pour un véhicule plus lourd comme un pickup). 
     
  2. La consommation des véhicules se mesure en kWh / 100 km. Ici, les données sont moins objectives, puisque, comme pour la consommation d’essence, la consommation d’électricité dépend des conditions météorologiques, du type de trajets (ville / autoroute), du style de conduite, de l’utilisation du chauffage / de la climatisation, du poids embarqué et de la charge tirée / portée. Néanmoins, pour les véhicules 100 % électriques actuellement sur le marché, l’ordre de grandeur des prétentions des manufacturiers est généralement de 15 à 25 kWh / 100 km, auxquels on peut estimer devoir ajouter de 10 à 40% en hiver, selon l’intensité de chauffage utilisée. 
     
  3. L’autonomie des véhicules 100 % électriques actuels est donc en général de l’ordre 250 à 650 km, selon le modèle, la saison et le type d’utilisation. Ensuite, il faut recharger. 
     
  4. La puissance d’une borne de recharge se mesure en kW. Plus la borne est puissante, plus le temps de recharge est court, mais plus on risque d’user la batterie plus rapidement. En effet, au fil des cycles de chargement / déchargement, une batterie rechargeable perd de sa capacité et une recharge plus lente ralentit cette perte de capacité et contribue donc à sa longévité.
    Les puissances courantes sont : 
     
    1. Borne de niveau 1 : 1,44 à 1,92 kW (120 V * 12 à 16 A). C’est la borne portative que vous pouvez brancher directement dans une prise 120 V extérieure tout à fait normale. 
    2. Borne de niveau 2 : C’est la borne fixe que vous pouvez faire installer, mais qui requiert une prise de 208 ou 240 V. 
      1. 6,66 kW (208 V * 32 A)
      2. 7,68 kW (240 V * 32 A)
    3. Borne de niveau 3 : 50 à 100 kW. C’est la borne rapide qu’on retrouve de plus en plus couramment dans l’espace public. 
    4. Borne « Ultra-rapide » : 100 kW et plus, dont les superchargeurs Tesla.
       
  5. Ainsi le temps de recharge peut varier considérablement, selon évidemment la charge manquante dans la batterie, mais surtout, la puissance de la borne. Alors qu’un déplacement quotidien de 60 km peut être rapidement rechargé en une quinzaine de minutes avec une borne rapide, la recharge complète de la batterie avec une borne de niveau 1 prendra environ 2 jours ! 

La puissance nécessaire chez soi pour recharger dépend donc principalement de trois facteurs : 

  • le nombre de kilomètres parcourus,  
  • le modèle de véhicule choisi, puis
  • la possibilité ou non de recharger à son lieu de travail.

L'enjeu de la puissance

Le projet de règlement tranche la question de la puissance en imposant un branchement de niveau 2 pour tous les espaces résidentiels, ce à quoi nous avons signalé notre désaccord. 

Le Code de construction du Québec (et donc le Code de l’électricité) représente le minimum légal. La norme en bas de laquelle il est illégal de descendre. Selon nous, pour y imposer quelque chose, il faut que cela réponde à un réel besoin pour l’essentiel des gens ou représente un avantage majeur pour l’intérêt public, en considérant le rapport coûts / bénéfices. Or, bien que la plupart des propriétaires de véhicules électriques possèdent une borne de niveau 2 (souvent parce qu’elle était promue à l’achat du véhicule), nous ne sommes pas du tout convaincus que la puissance de niveau 2 soit nécessaire pour la majorité, ni même, dans le grand bâtiment, que la balance des avantages et inconvénients soit en sa faveur, et ce pour les raisons qui suivent. 

Un réel besoin ?

D’abord, l’erreur fondamentale que la plupart font lorsqu’ils évaluent la puissance nécessaire est de considérer la charge totale de la batterie. Or, au bout d’une journée, le but n’est pas de recharger sa batterie de 0 à 100 %, mais de compenser la dépense énergétique du jour (et un peu plus pour compenser les journées plus énergivores que la moyenne). Présenté autrement, ce qui importe, ce n’est pas d’absolument ramener sa batterie à 100 %, mais surtout de la recharger suffisamment pour suffire à la journée suivante. 

Pour juger de la puissance nécessaire, il faut donc estimer qu’elle est la consommation quotidienne des automobilistes. Le principal déplacement des gens étant pour le travail, les données de Statistiques Canada sur le navettage sont pour cela très éclairantes. Ainsi, 86 % des automobilistes au Québec résident à moins de 25 km de leur lieu de travail (en ligne droite). Considérant qu’on ne se rend malheureusement pas au travail en ligne droite, on peut quand même estimer que la plupart de ceux-ci parcourent 70 km et moins pour un aller-retour au travail. Évidemment, le pourcentage sera moins élevé en banlieue et beaucoup plus élevé dans les grands centres.

À ce kilométrage quotidien, du moment qu’on se limite à un modèle qui fait du 20 kWh / 100 km et moins en été (il y en a au moins une quinzaine de modèles, dont des VUS), on peut tout à fait recharger sa consommation quotidienne en une nuit avec une borne de niveau 1, même l’hiver. En fait, même avec un modèle qui fait du 25,5 kW / 100 km en été, c’est encore 79 % des automobilistes du Québec qui pourraient se suffire d’une borne de niveau 1. 

Avec de telles données, il nous semblerait totalement injustifié d’affirmer que la borne de niveau 2 représente un réel besoin pour la majorité des automobilistes du Québec. Possiblement que dans certaines régions (en particulier en banlieue) ce puisse être pertinent, mais l’imposer à tous nous semble forcer plusieurs à payer inutilement plus cher. Plus encore, même si c’était justifié, la manière dont le projet de règlement est rédigé ne permettrait pas davantage de répondre de manière durable au besoin. 

Puissance et calcul de charge

En effet, on a beau mettre la borne que l’on veut, encore faut-il que l’entrée et le panneau électrique soient capables de l’alimenter. Dans l’unifamilial, il n’y a là aucun problème, mais dans le grand bâtiment, c’est une tout autre histoire. En effet, le Code de l’électricité prévoit la manière dont les charges sont calculées pour dimensionner l’entrée électrique. 

Dans le cas d’un panneau traditionnel, pas de problème. La charge des éventuelles bornes sera calculée et le panneau devra être en mesure de les alimenter à 100 %. Dans le cas de multilogements comportant de nombreux stationnements, cela va cependant imposer une entrée électrique significativement plus importante et coûteuse. Clairement pas l’idéal lorsqu’on ne cesse d’entendre parler d’une crise de l’accès à la propriété. 

Cependant, de nouveaux systèmes s’en viennent. Dits « intelligents », ceux-ci seront en mesure de répartir la puissance disponible en fonction de la demande. En s’appuyant sur cette capacité, on va permettre une entrée électrique moins puissante qui n’est pas conçue pour permettre à tous les véhicules de charger simultanément à 7,68 kW, mais qui permet cette puissance lorsque tous ne chargent pas en même temps. Si la puissance demandée excède la capacité du panneau, il va envoyer une puissance moindre aux bornes, lesquelles vont néanmoins charger, mais plus lentement. Au fur et à mesure que certaines voitures auront fini de recharger, le panneau pourra redistribuer la puissance libérée aux bornes toujours actives, lesquelles vont alors recharger plus rapidement, et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes celles restantes soient à leur puissance maximale de 7,68 kW.

De notre avis, la méthode de calcul proposée ne prévoit pas suffisamment de puissance pour la recharge. Les premières années, lorsqu’il y aura encore peu de véhicules électriques dans le stationnement, ceux-ci rechargeront rapidement, mais à mesure que les véhicules électriques vont remplacer les véhicules à moteur à combustion, ils vont devoir partager la puissance disponible. Si la puissance n’est pas suffisante, les insatisfactions vont commencer à se faire sentir. Alors que ces nouveaux systèmes s’annoncent significativement plus coûteux qu’un panneau électrique traditionnel, il sera particulièrement frustrant de payer davantage pour, au final, ne même pas profiter de davantage de puissance. En toute bonne foi, évidemment, ceux qui ne se branchent pas en même temps que les autres vont effectivement profiter de davantage de puissance, ce qui va contribuer à ce que ceux qui chargent en période de pointe bénéficient de la puissance maximale potentielle. Néanmoins, la majorité des gens se branchant en début de soirée pour repartir le lendemain matin, c’est ce cas de figure qui nous a orientés dans notre réflexion. 

En synthèse

Un projet de règlement de la RBQ propose d’imposer des infrastructures de recharge de niveau 2 aux nouvelles constructions résidentielles (sauf la borne elle-même). Bien que nous soyons tout à fait en faveur de l’électrification de 100 % des espaces de stationnement résidentiels, il nous semble que le Code de l’électricité ne devrait imposer que des installations de niveau 1, le niveau 2 n’étant, d’après les données probantes, pas un réel besoin pour la majorité des automobilistes au Québec. Évidemment qu’une borne de niveau 2 répond à un besoin pour certains, mais, de notre avis, ils ne sont pas suffisamment nombreux pour imposer ce surcoût à tous, d’autant plus que s’il y a pour cela une réelle demande des consommateurs, rien n’empêche les promoteurs d’en faire plus que le Code, comme ils le font déjà couramment dans plusieurs domaines. Plus encore, si vraiment on veut imposer le niveau 2, il faudrait minimalement rehausser le calcul de charge du panneau électrique de manière à ce que les futures bornes de niveau 2 rechargent effectivement à une puissance de niveau 2. 

Pour conclure

La mission de l’ACQC ne concernant ni les enjeux environnementaux, ni ceux de transports durables, cette page est évidemment en marge de nos autres contenus et de notre expertise première : l’intérêt des consommateurs dans le domaine de la construction. Néanmoins, il était important pour nous de réagir publiquement à cet élément du projet de règlement, car personne d’autre ne semble outillé pour le faire et intéressé par l’intérêt du consommateur. Nous avons consulté plusieurs organismes environnementaux dans la rédaction de nos commentaires. Ceux qui connaissent bien l’univers des véhicules électriques sont généralement engagés en priorité dans l’électrification des transports et souhaitent faciliter autant que possible cette transition, notamment pour les consommateurs, sans forcément se questionner sur ce qui est dans leur intérêt. Leur objectif premier est le remplacement de la voiture à moteur à combustion, objectif qu'on partage, mais qui peut néanmoins entrer en conflit avec l’intérêt du consommateur. Ceux qui connaissent bien les impacts environnementaux de l’électrification des transports (parce que, non, la voiture électrique n’est pas sans impacts !) ne maîtrisent pas ou ne s’intéressent pas forcément au Code de l’électricité. Bien des organismes mettent de plus en plus de l’avant le concept de sobriété et, à notre avis, comme même l’ex-ministre Pierre Fitzgibbon l’avait affirmé, dans les prochaines décennies, il faudra réduire considérablement le nombre de voitures au Québec, fusent-elles électriques. Dans ce contexte, est-ce que l’État agit de manière cohérente et dans l’intérêt du consommateur en le forçant à payer pour des infrastructures favorisant l'achat de véhicules énergivore et l’auto solo comme mode de transport quotidien, pour ensuite adopter des plans de mobilité durable dont les objectifs comprennent de réduire l’utilisation de la voiture ? Il nous semble que non. 

À la limite, des stationnements aux bornes beaucoup plud puissantes seraient pertinents dans l'optique d'une réduction du parc automobile par l'autopartage, mais le nombre de places de stationnement dépendant non pas de la RBQ, mais des instances municipales, ce genre de propositions sortait malheureusement du cadre de cette consultation.

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