Hypothèque légale de la construction - Réaction au rapport de la chambre des notaires du Québec

Vendredi, 11 juin, 2021
ACQC

Le 12 mai dernier a été rendu public le rapport du groupe d’experts sur l’hypothèque légale de la construction formé par la Chambre des notaires du Québec

L'ACQC est très heureuse de la qualité du rapport et des recommandations faites par le groupe d'experts, ainsi que très fière d'avoir pu modestement contribuer à ses travaux. D’ailleurs on retrouve une part importante de l’argumentaire de l’ACQC dans celui-ci. 

Bien que certaines recommandations du rapport répondent différemment au problème que celles de l’ACQC, nous accueillons l’ouvrage avec un grand enthousiasme. Mentionnons que le contexte des démarches est bien différent. L’ACQC a fait le choix de cibler ses demandes afin de répondre aux types de problématiques les plus fréquentes. Le but était d’en arriver à quelques éléments, faciles à expliquer et argumenter, qui viendraient régler l’essentiel des injustices observées. Cependant, les enjeux liés à l’hypothèque légale de la construction sont vastes et complexes, tel qu’en témoignent les 50 pages du rapport rendu public. Les recommandations du groupe d’experts, même si elles vont moins loin que les nôtres sur certains points, visent en fait, beaucoup plus large. Nous tenons d’ailleurs à saluer le travail remarquable du groupe, lequel a su reconnaître dans cette problématique, toute la complexité qu’elle exige. 

Nous sommes particulièrement heureux des recommandations 3 (qui fait partie de notre pétition) et 14 (courageuse et  innovante!): 

Protéger la résidence principale

[...]

Il n’est pas difficile de croire que, dans la majorité des cas touchant la résidence principale, cette sûreté est exagérée en comparaison de la créance qui est due. [...]

En effet, même les travaux mineurs de rénovation, souvent entrepris par des particuliers, peuvent donner ouverture à cette garantie. En faisant un tel ajout à l’article 700 C.p.c., le législateur viendrait protéger le principal avoir financier de la grande majorité des particuliers.

3. Pour la protection de la résidence principale en matière de construction et de rénovation, ajouter à l’article 700 C.p.c. une interdiction de saisie pour exécuter une créance garantie par une hypothèque légale de la construction de moins de 20 000 $ 

Un tribunal spécialisé en matière d’habitation résidentielle

[...]

Constatant cette situation d’engorgement des tribunaux et considérant que le gouvernement a comme priorité de permettre un meilleur accès à la justice pour les citoyens, il est proposé que les autorités gouvernementales étudient la possibilité de créer le Tribunal administratif de l’habitation qui, à l’instar du Tribunal du logement, serait le tribunal de première instance pour entendre les litiges en matière d’habitation résidentielle. 

[...]

C’est justement l’objectif visé ici : rétablir l’équilibre dans les relations entre les propriétaires-occupants et les intervenants du domaine de la construction et de la rénovation. Un tribunal administratif de l’habitation permettrait un accès plus rapide et simplifié à un coût moindre pour le justiciable. Les avantages seraient nombreux. Ce tribunal, qui pourrait rendre jugement sur le fond dans un court délai, permettrait à l’entrepreneur d’obtenir le paiement plus rapide de sa créance ou pour le propriétaire, obtenir la radiation rapide de l’hypothèque légale de la construction et le retour de sa capacité d’emprunt garanti par sa propriété.

[...]

14. Que le gouvernement étudie la possibilité de créer le Tribunal administratif de l’habitation pour entendre les demandes relatives aux droits des propriétaires immobiliers résidentiels lorsque notamment la somme demandée est inférieure à 85 000 $.

 

L’ACQC appuie sans réserve l’ensemble des recommandations et demande au ministre de la Justice de les mettre en place, en totalité, tel que conseillé par la Chambre des notaires du Québec, laquelle répète à quelques reprises dans son rapport que ses recommandations « sont pour la plupart cumulatives et doivent être considérées comme un tout, sinon elles n’auront pas l’efficacité souhaitée afin de protéger le public.»   

Rappelons qu’en campagne électorale, le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, avait affirmé à l’émission La Facture: «Oui, la CAQ s’engage à faire en sorte de modifier les règles associées à l’hypothèque légale.» À défaut, nous lui recommandons de porter une attention particulière à l’avant-dernier paragraphe du rapport: 

Finalement, n’allant pas dans le sens d’une abolition pure et simple de l’hypothèque légale de la construction au Québec, le présent rapport tente plutôt de mieux encadrer cette sûreté en cherchant à rétablir un équilibre entre les différentes parties prenantes. Il revient toutefois au législateur de prendre la décision soit de mieux encadrer l’hypothèque légale de la construction en mettant en œuvre les recommandations proposées, soit de simplement l’abolir, car l’économie du Québec de 2021 n’a aucun comparable avec celle du siècle dernier. Le moteur économique du Québec d’aujourd’hui s’alimente dans plusieurs secteurs économiques qui s’auto-régulent et où les co-contractants conviennent à l’avance de protections juridiques lorsque le contexte et les enjeux le requièrent. Par conséquent, il reste toujours matière à réflexion quant à la pertinence de maintenir ou non cette protection unique dont bénéficie que les intervenants d’un seul secteur de  l’économie. [...]
(Nos mises en relief)

Finalement, nous invitons la population à signer notre pétition d’ici le 24 juin, afin de signifier au gouvernement l’importance qui est accordée à cet enjeu. ll faut que la législation sur l’hypothèque légale soit révisée d’ici la prochaine élection, tel que promis. Les changements demandés, par l’ACQC comme par la Chambre des notaires du Québec, sont très impopulaires auprès de nombreux entrepreneurs en construction et l’appui de la population sera sans doute essentiel pour faire bouger les choses.