Hypothèque légale de la construction - Réponse à un entrepreneur

Vendredi, 31 mars, 2023
Marc-André Harnois, DG, ACQC

Depuis que l’on se bat plus officiellement contre le droit à l’hypothèque légale de la construction pour des petites créances, occasionnellement, il se trouve un entrepreneur pour nous faire savoir à quel point on ne comprend juste pas à quel point ce droit est important pour leur industrie. Par exemple, ce mois-ci: 

«Moi quand j'étais entrepreneur en constructions [sic] j'ai utilisé une seule fois l'hypothèque légale contre une cliente malhonnête et menteuses [sic] qui m'a sorti du chantier par la police et m'a fait arrêté.. [sic] Faudrait sortir cette histoire là à faire vomir....ça m'a coûté cher avocat criminel..commercial....hypothèque légale...soyez honnête svp c'est pas facile d'être d'être entrepreneur sortez l historique ....merci»

On se permettra de vous partager notre réponse (légèrement amendée), celle-ci reflétant bien ce qu’on en pense: 


«Bonjour, 

Je suis bien désolé de ce que vous avez pu subir d'une cliente de mauvaise foi. 

Cela dit, soyons honnêtes, 

Ce droit est disproportionné. Ce n'est pas facile non plus d'être consommateur lorsqu'on se fait avoir par un entrepreneur à qui la RBQ n'aurait jamais dû donner de licence. 

Il n'y a aucune malhonnêteté dans notre position. Elle s'appuie sur les données [objectives] du registre foncier, ainsi que les témoignages réguliers qu'on reçoit, aussi bien de victimes que d'avocats. 

Ce n'est jamais agréable d'être aux prises avec une personne de mauvaise foi, qu'il s'agisse d'un entrepreneur ou d'un client, mais l'hypothèque légale n'est pas une solution appropriée pour des créances de moins de 20 000 $. Elle permet beaucoup trop d'abus. 

On a même vu des cas d'extorsion par des entrepreneurs qui inscrivent des hypothèques légales [pour des contrats pourtant résolus dans les délais prescrits] (ils ont un contrat de vente itinérante, mais qui a été résolu [tout à fait légalement] dans le délai de dix jours [prévu à la LPC]) !!! 

C'est vous dire que certains profitent du système. 

Sans nier que ce peut être difficile d'être entrepreneur en construction, il n'existe aucun autre commerçant qui possède le droit de faire vendre en justice votre maison pour se faire payer une créance de moins 20 000$. Ultimement, on pourra saisir des biens financiers, voire mobiliers, par exemple une voiture. Mais une résidence principale? Aucun autre commerçant ne peut faire ça et pour de bonnes raisons ! Il n'y a aucune raison ou particularité à l'industrie de la construction qui justifie cette exception. Évidemment, le consommateur qui refuse légitimement de payer peut se défendre devant les tribunaux, mais ça lui coûtera pour cela des milliers de dollars en frais d'avocat... souvent plus que ce que l'entrepreneur lui réclame. 

Je sais bien que si on enlève l'hypothèque légale pour les petites créances, l'industrie trouvera d'autres moyens de garantir ses créances.

Il me semble qu'aucun moyen légal ne pourra être plus inéquitable que l'hypothèque légale de la construction. 

Même si les entrepreneurs exigeaient des dépôts de 100%, ce serait moins pire. De toute manière, certains le font déjà. 

[Attention ! On ne recommande ici absolument pas aux consommateurs d’accepter de remettre des dépôts aussi importants ! On exprime seulement l’opinion qu’entre un monde où les gens paieraient d’avance et un monde où ils peuvent se retrouver avec une hypothèque légale sur leur maison, l’un nous semble moins pire que l’autre. Remettre un dépôt important, présentement, c’est assumer les deux risques. On ne le recommande certainement pas et on ne le recommandera pas tant et aussi longtemps que le système de cautionnement de la RBQ n’aura pas été réformé ! ]

[Si le client payait à l’avance, advenant qu’il ne soit] pas satisfait des travaux, il pourrait poursuivre aux petites créances au lieu de se retrouver en Cour supérieure, avec, en attendant les délais du système de justice, un prêteur hypothécaire qui menace de ne pas renouveler son hypothèque, quand il ne le considère pas carrément en défaut. 

Aux petites créances, ça ne lui coûterait pas de frais d'avocat, et advenant que l'entrepreneur fasse défaut, il resterait les cautions de la RBQ et parfois aussi de l'OPC. 

Des solutions autres que l'hypothèque légale, pour s'assurer que les entrepreneurs honnêtes soient payés, il y en a. 

Soyons honnêtes de part et d'autre: si l'industrie tient tant à l'hypothèque légale, même pour des petites créances, c'est qu'elle sait bien, qu'effectivement, elle permet de se faire payer facilement... même quand on a tort. 

Respectueusement, »