Leur rêve de maison écoénergétique vire au cauchemar

Mardi, 27 juin, 2023
Marie-Eve Fournier, La Presse

Extrait(s) :

Ils rêvaient d’une maison écoénergétique « sans tracas et facile à vendre » pour leurs enfants qui en hériteront. C’est tout le contraire qui s’est produit. Ils y ont englouti leurs économies pour réparer les malfaçons. L’expert en énergie solaire qui leur a vendu cette propriété continue à recruter des clients malgré la faillite de son entreprise. Hélène Parent et Robert Lefebvre racontent leur cauchemar.

Pour leur dernière maison, Hélène Parent et Robert Lefebvre voulaient faire pour le mieux. Soucieux de l’environnement et adeptes d’efficacité énergétique, ils ont suivi une formation sur la construction de bâtiments écologiques. Ils ont aussi lu de nombreux articles afin de trouver le bon entrepreneur. Leur choix s’est arrêté sur Constructions Iland, de Daniele Oppizzi, après avoir visité l’usine à trois reprises et posé « beaucoup de questions ».

Le site d’Iland est convaincant : « Bien que le Centre de Développement ILAND soit une jeune entreprise, l’équipe ILAND est composée d’experts en construction (RBQ), de spécialistes de l’immobilier, d’ingénieurs en énergie et d’architectes. »

Le contrat a été signé à l’automne 2020. La maison usinée a été installée le printemps suivant sur les fondations construites par l’entreprise DeuxMax (devenue Brave Écoconstruction), qui leur avait été recommandée chaudement par Iland en raison de ses « valeurs ». 

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Iland possédait la certification CSA, mais aucune licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ).

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La maison est mal construite des fondations jusqu’au toit, comme en témoignent trois rapports d’inspection. Si bien qu’elle est devenue un gouffre financier sans fin pour ses propriétaires. Les fenêtres, mal installées, ont provoqué d’importantes infiltrations d’eau, la porte-fenêtre qui tenait dans le vide s’est affaissée, le toit et la douche ont coulé, le calfeutrage est mal fait, le coffrage déformé a dû être scié. C’est sans compter que les panneaux solaires, au cœur du projet, n’ont jamais été installés.

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Au départ, le couple, qui ne roule pas sur l’or, s’était donné un budget de 350 000 $ et devait rembourser sa petite hypothèque en cinq ans. Ce plan ne tient plus la route.

À 72 ans, sans régime de retraite d’un ex-employeur, Robert Lefebvre aimerait se la couler douce, mais tous les travaux qu’il doit faire sur sa maison neuve l’en empêchent. 

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Hélène et Robert ne sont pas les seuls à avoir déchanté après avoir rencontré Daniele Oppizzi, qui prétend avoir vendu « une centaine de maisons » écoénergétiques.

Un couple a perdu ses dépôts totalisant 180 000 $. La somme de 100 000 $ a été versée directement à Brave (pour les fondations et l’installation), le reste à Iland.

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Avec le recul, Hélène Parent se rend compte qu’elle aurait dû se méfier des belles promesses de Daniele Oppizzi, qui se targue d’avoir étudié dans plusieurs domaines et qui aurait accumulé les expériences professionnelles enviables en Suisse.

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Les trois rapports d’inspection payés par le couple n’ont fait qu’alimenter leur découragement. En l’absence de collaboration de la part d’Iland et de Brave, les travaux les plus urgents ont été entrepris. Jusqu’ici, tout cela a coûté quelque 56 000 $.

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Une recherche effectuée par le Bureau du surintendant des faillites (BSF) du Canada concernant Daniele Oppizzi a révélé l’existence de quatre dossiers en quatre ans. Ceux-ci s’ajoutent à la faillite, survenue en Suisse, en 2016, de l’entreprise ILAND green technologies SA qu’il avait fondée et qu’il présidait.

Au Canada, Constructions Iland a fait une proposition à ses créanciers en 2020. Le passif s’élevait à 1,4 million de dollars. L’offre a été acceptée, mais non respectée. Une seconde proposition a été acceptée par les créanciers en 2022, mais encore une fois, elle n’a pas été respectée, m’a précisé la firme Mallette, chargée du dossier. Ce scénario a été qualifié de « très rare ».

Entre ces deux propositions, une autre entreprise d’Oppizzi, Iland Énergies renouvelables Canada, a fait faillite. C’était en 2021.

Daniele Oppizzi tente parallèlement d’éviter une faillite personnelle. Il a fait une proposition à ses créanciers en 2021. À l’époque, ses dettes totalisaient 253 000 $, selon le document du BSF.

Vous aurez compris que les recours d’Hélène et de Robert sont inexistants, ou presque.

Les maisons construites par Iland ne pouvaient pas être garanties par la Garantie de construction résidentielle (GCR) vu la perte de son accréditation et de sa licence RBQ, au printemps 2020, pour une raison « confidentielle », selon la Régie du bâtiment du Québec (RBQ).

Cela n’a toutefois pas empêché Daniele Oppizzi, à la signature du contrat quelques mois plus tard, de mentionner aux acheteurs que l’adhésion à la GCR était « facultative ». C’est même écrit noir sur blanc dans le contrat. De plus, Daniele Oppizzi a prétendu que cette garantie coûtait un extra de quelques milliers de dollars.

Hélène et Robert ne voyaient pas l’utilité de payer pour la GCR, car Iland offrait déjà une garantie de cinq ans. De plus, le couple n’avait jamais entendu parler de cette garantie. Il en a découvert l’existence et le fonctionnement des mois plus tard, lors de la faillite médiatisée de Bel-Habitat.

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Hélène Parent et son mari ne peuvent pas changer le passé. Mais ils tenaient mordicus à mettre en garde tous ceux qui seraient tentés d’acheter une maison usinée construite par une entreprise sans licence de la RBQ. Même si cela est parfaitement légal au Québec, l’aventure est en effet risquée.

Ceux qui se sont déjà tournés vers la GCR pour être indemnisés parce que leur maison est mal construite vous diront que le parcours peut être extrêmement frustrant et que la RBQ est loin d’être un gage de qualité. C’est vrai. Mais acheter une maison sans protection aucune est encore bien pire.

Quant à Daniele Oppizzi, on n’a sans doute pas fini d’entendre parler de lui, puisqu’il agit comme expert en énergie solaire pour les projets de GéoLAGON, ces villages autosuffisants qui pourraient être construits dans quatre régions du Québec.