Dans les platebandes des courtiers hypothécaires

Vendredi, 22 janvier, 2021
Stéphanie Grammond, La Presse

Extrait(s) :

J’ai été la première à applaudir lorsque Québec a décidé d’empêcher les courtiers immobiliers de piétiner les platebandes des courtiers hypothécaires, une pratique préjudiciable pour les consommateurs qui disparaîtra en mai prochain.

Bien des acheteurs de maison ne le savent pas, mais les courtiers immobiliers reçoivent une juteuse commission d’environ 0,5 % lorsque leurs clients contractent une hypothèque auprès d’un prêteur recommandé.

[...] Cela fait beaucoup d’argent juste pour refiler une carte professionnelle à un prêteur avec qui il entretient des liens privilégiés, généralement une grande banque ou Desjardins.

Le nouveau propriétaire, lui, n’y trouve pas son compte. Personne n’a véritablement étudié ses besoins. Personne ne s’est assuré que le prêteur recommandé dispose du meilleur produit pour lui. Et personne ne l’a averti qu’il sera ensuite menotté à ce prêteur, car celui-ci impose des pénalités astronomiques lorsqu’on veut déchirer le contrat avant la fin.

Ces pénalités sont un vrai fléau auquel Ottawa n’a jamais eu le courage de s’attaquer.

[...]

À partir du 1er mai, les lucratives commissions versées par les prêteurs hypothécaires aux courtiers immobiliers seront interdites, gracieuseté de la loi 141. Bon débarras !

Je crains que l’industrie ne trouve le moyen de continuer son petit manège… et je ne suis pas la seule, à lire le mémoire déposé auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) par l’Association des courtiers hypothécaires du Québec.

L’ACHQ « a des doutes sérieux concernant la création de cabinet de courtage par des institutions financières et des agences immobilières, dans le but de contourner la [loi] sur le mode de rétribution entre les institutions financières et les courtiers immobiliers ».

[...]

De tels tours de passe-passe iraient totalement contre l’esprit de la réforme et nous ramèneraient à la case départ.

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Ce sera donc à l’AMF de sortir les crocs, de s’assurer que les courtiers hypothécaires offrent un réel choix de produits aux consommateurs et qu’ils ne sont pas que les marionnettes d’un prêteur avec ils ont des liens privilégiés.

Espérons que l’Autorité sera plus alerte que dans l’industrie de l’assurance auto et habitation où les courtiers sont devenus, au fil des ans, les pantins d’un assureur qui est souvent actionnaire de leur cabinet.

[...]

Il faut éviter à tout prix que la rémunération force les courtiers à concentrer leur clientèle auprès d’un seul fournisseur, si on ne veut pas se retrouver avec les mêmes problèmes que dans l’industrie de l’assurance.