Une faillite aux « apparences douteuses »

Dimanche, 11 juillet, 2021
Tristan Péloquin et Hugo Joncas, La Presse

Extrait(s) :

Un promoteur immobilier en faillite, qui laisse sur la paille une centaine d’acheteurs de maisons à Laval, venait d’emprunter une importante somme à une société de prêts privés liée à un fraudeur notoire. Son propre frère, trouvé mort dans une maison modèle de l’entreprise il y a cinq ans, avait fait de la prison pour fraude, complot et gangstérisme.

Les 15 et 16 juin derniers, une centaine de clients de l’entreprise Bel-Habitat ont reçu un coup de fil inattendu. Le promoteur immobilier, qui tardait depuis des mois à leur livrer leur nouvelle maison, les conviait d’urgence à venir signer un document à Laval. Le papier officialisait la date de livraison de leur résidence, ainsi que leur adhésion au Programme de garantie de maisons neuves, protégeant leur investissement jusqu’à 50 000 $. La longue et angoissante attente semblait enfin tirer à sa fin.

Treize jours plus tard, à la stupéfaction générale, l’entreprise déclarait faillite. Le promoteur immobilier Luc Perrier, introuvable depuis cette date, doit près de 25 millions à 230 fournisseurs et clients.

De nombreux acheteurs de maisons, qui ont fourni des acomptes largement supérieurs aux 50 000 $ garantis par l’assurance, risquent de perdre gros.

Certains acheteurs ont même avancé la totalité du montant d’achat de leur future résidence, contre un rabais représentant environ 10 % du total, une pratique inhabituelle qui les exposait au risque de perdre la somme non garantie.

Environ 17 millions provenant de ces acomptes ont disparu, selon les documents publics de la faillite. Le Service de police de la Ville de Laval et la Gendarmerie royale du Canada enquêtent au sujet de la débâcle, en collaboration avec le syndic de faillite Raymond Chabot et l’assureur GCR.

Luc Perrier jouissait pourtant d’une réputation sans tache dans le milieu de la construction. Son entreprise d’une douzaine d’employés construisait des maisons de très bonne qualité, selon plusieurs personnes interviewées. Luc Perrier n’a jamais fait l’objet de plaintes à la Régie du bâtiment du Québec.

Un passé financier nébuleux

Notre enquête révèle cependant que l’homme d’affaires, qui a déjà fait deux faillites personnelles en 1996 et en 2007, traînait un passé financier nébuleux.

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Avec le recul, il lui apparaît cependant clair que Luc Perrier « exploitait la cupidité des gens » et « profitait de leur ignorance » en agitant « une carotte devant les yeux » pour les faire payer plus que ce qu’ils devaient débourser comme mise de fonds initiale sur leur future maison. Le notaire dit qu’il était systématiquement « mis devant le fait accompli » lorsqu’il était chargé d’officialiser les transactions. Dans beaucoup des cas, les acheteurs étaient des immigrants peu fortunés ou des personnes issues de minorités ethniques qui parlaient peu le français.

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Le syndic, l’assureur GCR et les enquêteurs de police tentent de comprendre où sont allés les dépôts des clients. Luc Perrier, lui, reste introuvable.