Des surprises de taille pour les condos achetés sur plan

Samedi, 16 janvier, 2021
Charles-Éric Blais-Poulin, La Presse

Extrait(s) :

Les condos poussent comme des champignons à Montréal. Or, comment réagiriez-vous si, une fois installé dans votre nouveau quartier, la caissière de l’épicerie enlevait de 10 à 20 % des chanterelles de votre casseau sans en réduire le prix ? C’est la déception que vivent de nombreux propriétaires en prenant connaissance de la superficie nette de leur logement. Un jugement récent pourrait leur donner des munitions. 

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Superficie brute et superficie nette

« Les superficies et dimensions sont approximatives et sujettes à modifications sans préavis. » Voilà le genre d’avertissement glissé en petits caractères sur l’ensemble des plans et des contrats préliminaires dans le marché des condos neufs.

La superficie brute des logements, généralement estimée par un architecte, inclut des portions non habitables comme une partie des murs, les colonnes de soutien ou les puits de ventilation, de plomberie ou d’électricité. C’est cette mesure que les promoteurs et les courtiers utilisent pour vendre des condos sur plan à des clients potentiels.

La superficie nette, calculée par un arpenteur-géomètre, s’approche davantage de la surface habitable, c’est-à-dire l’espace où il est possible de circuler, en excluant les balcons — là encore, il vaut mieux s’en informer. Cette mesure, dévoilée aux clients plus tard dans le processus d’achat, apparaît dans le plan de cadastre ou dans le certificat de localisation. Règle générale, les acheteurs peuvent s’attendre à une différence d’environ 10 % entre la superficie brute et la superficie nette d’un condo neuf acheté sur plan.

Sur le marché de la revente, la loi exige que seule la superficie nette soit utilisée.

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Ce que prévoit la loi

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Récemment, la Cour d’appel a confirmé un jugement de la Cour supérieure condamnant le promoteur Habitats District Griffin à verser 73 000 $ à un client qui a vu la superficie de son condo fondre de 12 %. Le juge a statué que le plaignant n’avait pas renoncé à ses droits en signant le contrat préliminaire et l’acte de vente, où apparaissait un avertissement sur de possibles écarts de superficie.

Au-delà du Code civil, les consommateurs pourraient aussi invoquer des articles de Loi sur la protection du consommateur, note l’avocat Sébastien Fiset. Ceux-ci touchent à la « représentation fausse ou trompeuse » et à l’interdiction d’attribuer « faussement une dimension » à un bien. [...]

Le rôle des courtiers

[...] La Loi sur le courtage immobilier oblige les professionnels à divulguer la superficie nette des logements vendus… pour autant qu’elle soit disponible. « Sur plan, c’est une zone plus grise légalement, parce que le courtier n’a pas accès à l’information. »

Une assistante en gestion immobilière de la région de Montréal, qui a requis l’anonymat puisqu’elle a signé une entente de confidentialité, déplore avoir entendu plusieurs de ses collègues annoncer aux clients une différence de superficie d’environ 5 %, alors qu’ils savaient pertinemment que celle-ci atteindrait plus de 10 %.

Resserrer les règles ?

Mireille, l’avocat Sébastien Fiset et le courtier immobilier Alex Kay verraient tous d’un bon œil un resserrement des règles gouvernementales pour mieux encadrer l’affichage de la superficie des condos neufs. Les promoteurs, après tout, ne font que profiter d’une zone d’ombre légale.

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Uniformiser les méthodes de calcul, privilégier les superficies nettes, renseigner plus clairement les futurs propriétaires : de nombreuses pistes de solution existent pour permettre aux clients « de comparer de manière juste ». [...]

En France, par exemple, la loi Carrez impose à tous la superficie de plancher comme méthode de calcul.

Malgré les préoccupations des spécialistes, Québec n’envisage pas une révision de la loi. « Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation n’a pas été interpellé concernant la problématique que vous soulevez, il n’y a donc pas à l’heure actuelle de travaux en cours concernant ce sujet », a écrit dans un courriel le porte-parole Sébastien Gariépy.