Actions collectives : c'est payant, mais pour qui ?

Dimanche, 23 juin, 2019
Louis-Samuel Perron, La Presse

Extrait(s) :

L'émergence de cette « industrie » lucrative préoccupe le juge en chef de la Cour supérieure du Québec, qui suggère à Québec de légiférer pour imposer des limites aux honoraires des avocats.

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« C'est déplorable que certaines actions prennent 10, 15, 20 ans avant qu'on connaisse leur issue. Et pendant tout ce temps, les citoyens ne touchent pas d'indemnité et des gens meurent. »

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« Je crois beaucoup au recours collectif comme mode d'accès à la justice. Mais j'ai une certaine réticence avec des recours, [...] en termes de rendement pour le système judiciaire, où l'on sait pertinemment que le montant per capita va être tellement bas que personne ne va se donner le temps de le réclamer. »

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« C'est devenu un marché. Un marché lucratif. Les avocats ont compris que c'était une façon de faire de l'argent », tranche Me Pierre-Claude Lafond. L'expert en droit des actions collectives s'inquiète de l'émergence de nouveaux cabinets d'avocats inexpérimentés qui « tirent sur tout ce qui bouge » et qui sont « peut-être là pour s'enrichir ».

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L'avocat d'expérience est préoccupé par les pratiques de certains confrères qui peuvent « nuire à la réputation du recours collectif ». Il cite le type de pratique axée sur le « règlement rapide » sans volonté de plaider le dossier en procès. « C'est clair que l'avocat est en conflit d'intérêts, parce qu'il peut être appelé à privilégier ses intérêts économiques par rapport aux intérêts des membres qu'il représente. Ça, c'est un problème pour nous », plaide-t-il.

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Les avocats qui pilotent des dossiers d'action collective prennent le risque de ne pas être payés en cas d'échec, mais touchent le pactole en cas de règlement. Leurs honoraires s'élèvent parfois à des millions de dollars pour quelques centaines d'heures de travail, l'équivalent de 2000 $ de l'heure dans certains cas.
 
Dans les dernières années, au Québec, les avocats ont obtenu en moyenne 27 % des sommes versées, selon une étude du Laboratoire sur les actions collectives de l'Université de Montréal. Certains décrochent toutefois de 30 à 33 %, la limite supérieure accordée par les tribunaux pour respecter le code de déontologie des avocats.